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Titre du blog : Mes passions
Auteur : kryspassions
Date de création : 18-12-2013
 
posté le 09-03-2014 à 10:12:20

La légende du Château de Trémazan

Le château de Trémazan dresse encore aujourd'hui les ruines de son impressionnant donjon du XIIIe siècle à Landunvez(mer d'Iroise-Finistère), au pays des Abers et de la Côte des Légendes.

 

 

 

 

 Le château de Trémazan a une histoire: 


   Sous le règne de Judual, roi de Domnonée, lequel s'était réfugié pour lors en France à la cour du roi Childebert, environ vers l'an de grâce 525, vivait au Château de Trémazan un riche seigneur du nom de Galonus.


   Il avait eu de sa première femme, la belle Fleurance, fille d'Honorius, prince de Brest, deux enfants, Eode et Tanguy, que leur mère avait élevés en belles lettres et exercices séants à leur qualité. 
   Mais la belle princesse, étant tombée malade, mourut subitement les laissant à la seule garde de leur père.


   Galonus qui était encore jeune et qui souffrait bien fort de la solitude de sa demeure, s'en fut en Angleterre chercher une autre épouse; il en ramena une dame riche et de bonne maison.  Cette nouvelle dame ne fut guère en son ménage qu'elle commença à regarder de travers les rejetons de la belle Fleurance. Elle les rudoya de paroles , maltraita de gestes et fit tant enfin que Tanguy, déjà grand, à qui le sang commençait à bouillonner dans les veines , obtint congé de son père, quitta le pays, monta sur mer, descendit en Neustrie et s'en vint par terre à Paris dans la cour du roi de France, où se trouvait déjà son souverain légitime.

   Il y passa douze ans, paraissant aux tournois et se signalant en tous lieux parmi les plus vaillants et les plus courageux.    La méchante marâtre anglaise pendant l'absence du fils, fit endurer mille tortures à la douce Eode, demeurée près de son père. Elle congédia d'abord ses demoiselles et servantes, puis la força à faire le service de la maison, à puiser de l'eau, à balayer les salles, à se mettre de cuisine, à laver la vaisselle, ne la nourrissant que de gros pain sec et de viandes grossières, lui enlevant ses beaux habits pour la forcer à se revêtir de rude laine; finalement l'envoya en une sienne métairie où on lui fit garder les vaches comme une simple pauvresse en haillons.
    Eode, à laquelle jamais n'échappa parole d'impatience, y demeura près de douze ans, conservant inviolablement le lys de sa virginité. Dans sa pénurie elle trouvait encore moyen de porter l'aumône aux pauvres gens, et ne murmurant pas même en son cœur une plainte contre sa cruelle marâtre.


    Vers cette époque, Tanguy s'en vint au pays, si brave et en tel équipage qu'on ne le pouvait reconnaître. Comme il s'informait d'Eode à la marâtre, celle-ci le prenant pour un riche seigneur qui voulait la rechercher en mariage , la lui déchiffra comme une fille perdue et abandonnée, et lui affirma qu'elle avait été obligée d'éloigner du logis cette peste pour ne pas tolérer les infamies qu'elle commettait journellement dans sa maison.
    Tanguy crut aussitôt les calomnies de cette femme, et laissant ses gens au château de son père s'en alla chercher  sa soeur. L'ayant trouvée près d'une fontaine en train de laver quelques hardes, il l'appela par son nom :Eode! Eode! Celle-ci qui ne le reconnaissait pas , ne sachant à quelle fin ce gentilhomme l'interpellait , laissa ses hardes et s'enfuit. Alors Tanguy, se figurant qu'elle n'osait se présenter devant lui parce qu'elle avait forfait à l'honneur, mettant en main l'épée, la poursuivit vivement et, l'ayant rattrapée, lui déchargea un si grand coup sur le col qu'il lui trancha la tête.
    Les habitants du hameau étaient sortis de leurs maisons, et fondant en larmes à cette vue, il s'enquit d'eux, demandant quelle vie avait menée sa soeur, il apprit que c'était une sage, sainte, vertueuse demoiselle, qui avait étonné tout le pays par son admirable patience à supporter les outrages de sa marâtre.
    Ayant ouï ce récit, et voyant qu'au seul rapport de l'infâme épouse de son père, dont il connaissait pourtant la malice, il avait si malheureusement massacré son innocente soeur, il pensa mourir de douleur et de déplaisir.


    De retour à la maison il se fit reconnaître, puis alors récita à son père ce qu'il avait fait et que, de sa propre main, il avait tué sa chère Eode.
    Galonus fut extrêmement affligé de cette triste nouvelle. Quant à sa femme, elle ne put retenir sa joie tant elle haïssait sa belle-fille.
    Mais Dieu, qui fit sortir l'huile du rocher, tira de ce massacre la conversion de Tanguy et la punition exemplaire de la marâtre, ainsi que nous allons voir.
    Comme ils étaient en la salle, mangeant et buvant à l'ordinaire, Eode, tenant sa tête à la main entra, puis l'ayant posée sur ses épaules se récapita d'elle-même, et interpellant sa belle-mère, lui reprocha sa perfidie et sa lâcheté inique, et lui annonça la soudaine vengeance de Dieu.
    Alors, il se fit un grand éclat de tonnerre, et la marâtre, tombant à terre, vida ses boyaux et intestins1 et, blasphémant Dieu en une vraie hérétique qu'elle était, rendit son âme en présence de tous les assistants terrifiés.


    Tanguy subitement touché, se jeta aux pieds d'Eode qi, lui mettant la main sur l'épaule lui pardonna de tout son coeur, puis l'ayant accolé, lui ordonna pénitence. Alors elle s'assit près de la pierre du foyer, regarda quelques temps les siens en souriant, puis laissa échapper sa belle âme. Ce fut le 18 novembre en l'an 545, ainsi que les bréviaires du pays en font mémoire. Son corps fut inhumé en l'église paroissiale de Landunvez  , au sépulcre de ses ancêtres.


    Quant à Tanguy, étant sorti de la maison de son père, il s'en vint trouver saint Pol à Occismor, confessa son péché et fut reçu à merci par le grand apôtre du Léon.
    Puis alors, il se retira au monastère de l'abbaye du Relec, en ce temps nommé l'Oratoire de Gerber, qui signifie "courte parole", parce que le silence était la règle de cette sainte maison.
    Mais à cette époque advint sur un rocher, de pen ar bed le naufrage d'un navire Léonais qui allait trafiquer en Egypte. Ce navire portait la relique de Saint Mathieu, apôtre et évangéliste. Poussé par les flots, il heurta de rudesse un grand écueil qui paraissait à fleur d'eau. Les matelots du dedans crièrent miséricorde, pensant être tous perdus, mais, chose merveilleuse, le roc se fendit en deux, donnant passage au vaisseau chargé du précieux trésor.
    En mémoire de ce miracle, Tanguy auquel cette côte appartenait, pour terminer sa repentance construisit en ce lieu la fameuse abbaye qui depuis, s'est appelée Saint Mathieu, puis mourut quelques temps après vénéré par tous et sanctifié par les larmes qu'il répandit en expiation du meurtre de sa soeur bien aimée.
    C'est de ce saint que les seigneurs du Chastel, qui tenaient la terre de Tremazan, ont retenu le nom de Tanguy, que les français écrivent Tanneguy en prononçant à la manière armoricaine. Le mot tan-gwir veut dire vrai feu .

 

 

 

 

 

Extrait du livre "Au pays de mes ancêtres d'Auguste Bergot"

1. Depuis, là seulement, pousse une fleur qu'on a applelée en souvenir de l'évènement: bouzellou an intron, (les boyaux de la dame)
  2. Les sires du Chastel tiraient leur titre de ce même donjon de Trémazan qui s'appelait dans le pays Tremazan le Chastel; leurs armes se composaient d'un fascé d'or et de gueules de six pièces avec la devise De vad e teui tu viendras à bien. Ils ont toujours été plus français que bretons.
    Outre Bernard le Croisé, on trouve dans leur généalogie un grand maître de la maison du roi en 1449 et un grand panetier de France tué au siège de Pontoise en 1441. Ils se sont fondus dans la maison de Rieux, puis leur terre a passé aux Scepaux, aux Gondi et en fin de compte aux Gontaut-Biron.
    Malgré la conversion de leur premier ancêtre ils gardèrent dans le caractère je ne sais quoi de féroce. On se souvient que c'est un Tanneguy du Chastel qui, sur le pont de Montereau, asséna sur la tête de Jean sans Peur le fameux coup de hache qui fit le trou par lequel, comme le disait plus tard à François 1er le prieur des Chartreux de Dijon, les anglais pénétrèrent dans le royaume de France.