VEF Blog

Titre du blog : Mes passions
Auteur : kryspassions
Date de création : 18-12-2013
 
posté le 24-12-2013 à 07:08:10

Légendes bretonnes de la veillée de Noël

 L'Ankou

 

 

La nuit de Noël est parfois appelée la nuit des merveilles. On dit en effet que, cette nuit- là, les animaux parlent couramment. Il suffit de prêter l'oreille pour entendre leurs prédictions. Les arbres se mettent à reverdir, et leurs branches se couvrent de fleurs et de fruits descendus du paradis. Entre le premier et le douzième coup de minuit, les trésors sortent de leurs cachettes et sont révélés à tous. Mais, au douzième coup de l'horloge, tout disparaît à nouveau dans l'ombre. En Bretagne, on dit que l'Ankou, inquiétant personnage vêtu de noir et porteur d'une faux, symbolisant la Mort, entre dans les églises au moment de la messe de minuit et effleure de son doigt squelettique ceux qui mourront dans l'année.

 

 

 Les menhirs

 

 

Nombreuses autant qu'énormes sont les pierres qui se déplacent pendant la Messe de minuit, pour aller boire, comme des moutons altérés, aux rivières et aux ruisseaux.
Un mégalithe, près de Jugon (Côtesd'Armor), se rend à la rivière de l'Arguenon. Dans le bois de Couardes, un bloc de granit, haut de trois mètres, descend pour aller boire au ruisseau voisin et remonte à sa place de lui-même.
Il y a, au sommet du mont Beleux, un menhir qui se laisse enlever par un merle et qui met à découvert un trésor.

 

La plus célèbre était jadis la grosse pierre de Saint-Mirel, dont Gargantua se servit pour aiguiser sa faux, et qu'il piqua, après la fauchaison, comme on la retrouve encore aujourd'hui.
Elle cachait un trésor qui tenta un paysan des alentours.
Ce paysan était si avare qu'il n'eût pas trouvé son pareil : le liard du pauvre, la pièce d'or du riche, il prenait tout ; il se serait payé, s'il eût fallu, avec la chair des débiteurs.
Quand il sut qu'à la Noël les roches allaient se désaltérer dans les ruisseaux, en laissant à découvert des richesses enfouies par les anciens, il songea, pendant toute la journée, à s'en emparer.
Pour pouvoir prendre le trésor, il fallait cueillir, durant les douze coups de minuit, le rameau d'or qui brillait à cette heure seulement dans les bois de coudriers et qui égalait en puissance la baguette des plus grandes fées. Lors, ayant cueilli le rameau, il se précipita de toute sa force vers le plateau où le rocher de Gargantua profilait sa masse sombre, et, lorsque minuit eut sonné, il écarquilla les yeux.
Lourdement le bloc de pierre se mettait en marche, s'élevant au-dessus de la terre, bondissant comme un homme ivre à travers la lande déserte, avec des secousses brusques qui faisaient sonner au loin le terrain de la vallée.
Jusqu'à ce moment la branche magique éclairait l'endroit que la pierre venait de quitter. Un vaste trou s'ouvrait, tout rempli de pièces d'or.
Ce fut un éblouissement pour l'avare, qui sauta au milieu du trésor et se mit en devoir de remplir le sac qu'il avait apporté. Une fois le sac bien chargé, il entassa ses pièces d'or dans ses poches, dans ses vêtements, jusque dans sa chemise. Dans son ardeur, il oubliait la pierre qui allait venir reprendre sa place. Déjà les cloches ne sonnaient plus. Tout à coup le silence de la nuit fut troublé par les coups saccadés du roc qui gravissait la colline et qui semblait frapper la terre avec plus de force, comme s'il était devenu plus lourd après avoir bu à la rivière. L'avare ramassait toujours ses pièces d'or. Il n'entendit pas le fracas que fit la pierre quand elle s'élança d'un bond vers son trou, droite comme si elle ne l'avait pas quitté.
Le pauvre homme fut broyé sous cette masse énorme, et de son sang il arrosa le trésor de Saint-Mirel.

 

 

 

 

Lew-drez à St Michel

 

 

En basse Bretagne, la nuit des merveilles est appelée la noz Petquent. Lorsque les douze coups de minuit sonnent au clocher du village, on dit que des légions de korrigans, de poulpiquets, de teus et de korils quittent leurs demeures souterraines pour s'en aller courir sur les grèves de sable blanc et les landes couvertes d'ajoncs. Près des fontaines et des cours d'eau, on entend alors chanter les lavandières de nuit, les gardiennes des sources et les fées des bois.

 

De tous les endroits de basse Bretagne où se regroupent les fées blanches au cours de la nuit des merveilles, le plus fabuleux est la Lew-Drez, la "lieue de grève", qui domine le grand rocher bleu de Roc' Hél-Glas (ou Roc Hellas). Au milieu de cette grève, à marée montante, lorsque le premier coup de minuit retentit au clocher du bourg Saint-Michel, s'ouvre une caverne immense remplie de trésors d'une richesse telle qu'aucun roi au monde n'en a jamais possédé de semblables. Il s'y trouve de l'or à foison, des pierreries, des joyaux et des tissus fins. L'objet le plus précieux se situe tout au fond de la grotte, dans la dernière salle. Il s'agit d'une coupe qui confère tous les pouvoirs à celui qui parvient à s'en rendre maître. Cependant, aucun aventurier n'a jamais réussi à s'emparer de la coupe enchantée, qui n'est pourtant gardée ni par un dragon au souffle délétère ni par des soldats en armes. Ce sont de pures jeunes filles qui la protègent. mais ces vierges sont si belles que celui qui les contemple en oublie la coupe et les douze coups de minuit qui retentissent au clocher. Au douzième coup, en effet, les parois de la grotte se referment, et quiconque demeure à l'intérieur se retrouve à jamais prisonnier. De mémoire d'homme, jamais personne n'est revenu vivant de cette expédition.

 

 

 

 

Ploumilliau

 

 

A Ploumilliau, dans le Finistère, on raconte qu'un mendiant révéla à un brave jeune homme répondant au nom de Jean Skouarn que, la nuit de Noëll, la mer s'entrouvrait sur la grève pour laisser voir un château magnifique à l'intérieur duquel une belle princesse demeurait captive. Pour la délivrer et entrer en possession de ses nombreux trésors, il fallait traverser toutes les salles du château entre le premier et le douzième coup de minuit sans s'arrêter un seul instant. Dans la dernière salle se trouvait une baguette magique qui conférait tous les pouvoirs à celui qui s'en emparait à temps. S'il n'y réussissait pas, il était en revanche transformé en statue. Jean Skouarn tenta l'aventure, et traversa toutes les salles sans s'attarder sur les mystères qu'elles recelaient. Il aperçut dans la première salle de splendides trésors. Dans la deuxième, des dragons et des animaux féroces qui menaçaient de se jeter sur lui. Dans la troisième, de langoureuses jeunes filles qui tentèrent de le séduire. Dans la quatrième, les statues des aventuriers qui avaient tenté leur chance avant lui. Enfin, il parvint dans la dernière salle, où se trouvait la baguette, qu'il saisit au moment même où résonnait le douzième coup de minuit. C'est ainsi que le brave Jean Skouarn put délivrer la princesse qu'il épousa bientôt, et emporter tous les trésors du palais. Avec une partie d'entre eux, il fit construire une chapelle dans laquelle on peut se recueillir encore aujourd'hui.

 

 

Ys dans la baie de Douarnenez

 

 

La même nuit, dans la baie des Trépassés, la mer laisse voir pendant une heure la ville d'Ys, engloutie à cause des péchés de ses habitants. Saint Correntin vient y célébrer la messe de minuit dans la cathédrale illuminée. Au moment où l'office va s'achever, le saint se tait, se tourne vers les fidèles et attend. Il suffirait alors qu'un mortel suffisamment courageux descende sous les flots, entre dans la cathédrale engloutie et prononce ce seul mot, "amen", pour que la ville d'Ys sorte de l'eau et renaisse au soleil. Mais on dit aussi que, le jour où Ys revivra, Paris plongera sous les flots et la France changera de capitale.